Yvette Bassega : Musiques du patrimoine

Entretien exclusif avec l'artiste Yvette Bassega.

Entretien exclusif avec l'artiste Yvette Bassega.

L’arrondissement de Ndom sort progressivement de l’anonymat grâce à de valeureux fils et filles déterminés à en découdre avec le retard économique. Plus qu’engagée dans cette cause, Yvette Bassega se veut l’accompagnatrice des jeunes dans leur quête d’identité et de fierté. Nous avons saisi l’opportunité qu’offre de thème du mois pour écouter son point de vu sur la condition féminine. Une voix de sage … lisez plutôt la suite.

Bonjour Yvette Bassega,

Vous-vous êtes engagée dans la promotion des danses traditionnelles basaa. Pourriez-vous pour nos internautes nommer et décrire les différentes danses de chez nous ?

Je me suis engagée effectivement dans la valorisation des rythmes du patrimoine a travers des rythmes comme le Makune, le Ko’o, le Mahongo, le Bekele, le so’o, le bikékén, les berceuses etc…. avec lesquels j’ai d’ailleurs fait un album il y’a 3 ans. Il s’agit de les dépoussiérer et de les remettre au goût du jour. Lors du dernier festival Mbog Lia'a on a dénombré plus de 50 rythmes dans l’aire géographique de Ngok Lituba. Voyez-vous il y’a beaucoup de travail. Avec tout cela un artiste ne devrait jamais tarir d’inspiration rien qu’en les transformant.

Il y a-t-il chez les basaa, des danses exclusivement réservées aux femmes ?

Je le crois car de ma mémoire, il y a des musiques que j’ai vu, exécutées seulement par des femmes, il y a les berceuses; il y a également le ko’o et le ngola qui sont uniquement chantés par les femmes.

En plus de votre métier d’artiste, vous êtes engagée dans la vie associative. Vous soutenez actuellement plusieurs associations de jeunes. Quel sens accordez-vous à votre engagement ?

J’estime que les associations sont des vitrines, un lieu de prédilection pour faire passer certains messages aux jeunes et surtout aux femmes. C’est pour cela que je fais des partenariats gagnant-gagnant avec des associations pour étendre leurs actions et surtout les faire connaitre. En ce moment je soutien L’AJDN (Association des Jeunes de Ndom). En mars 2010 passé J’ai fait beaucoup d’ateliers de langue Bassa et des conférences sur la femme avec la SOJEBA (solidarité des jeunes Babimbi). Pour la semaine de la jeunesse je me suis déplacée  avec mon association l’Equipe du Sud pour exposer certains contes et danses a Logmay et Ndom. Il y a également les Clairons de Ndom avec qui je travaille régulièrement.

L’une de ces associations annonce une grande manifestation pour le moi de mai.

Oui il s’agit de L’association des Jeunes de Ndom qui est en train de lancer le FESTCULT (Festival Culturel de Ndom), une grande semaine culturelle à Ndom du 16 au 21 mai qui va impliquer toutes les populations de la contrée. Il s’agira entre autres de :

1-     une Journée de sensibilisation culturelle et artistique, sous le thème: « La conservation et la valorisation du patrimoine culturel et traditionnel de Ndom: moteur essentiel du développement.»

2-     Poursuivre l’archivage des rites et coutumes du peuple bassa. La valorisation de cette tradition et sa pérennisation dans l’Arrondissement de Ndom

3-     Amener la majorité des fils et artistes de divers horizons à exploiter cette source riche et enrichissante des traditions du peuple bassa

4-     Créer une plate forme de discussion et d’échanges entre les jeunes de Ndom et les élites pour une bonne insertion socio professionnelle

Comment cette initiative est-elle accueillie par les populations locales ?

Elle est très bien accueillie parce que déjà il faut rappeler que c’est la troisième édition du Festicult. Et L’AJDN travaille en partenariat avec tous les villages de Ndom dans lesquels elle a installé des délégués qui sont le relais de l’association.

Quelle différence y a-t-il entre l’AJDN et les clairons de Ndom, organisateurs du congrès qui a eu lieu en février 2011 ? Peut-on parler de dispersion d’énergie ?

Il n’y a vraiment pas de différence pour moi dans la mesure où tous cherchent le bien-être et le développement de notre arrondissement. Je crois qu’il faut laisser le génie de chacun exploser. Et cela apporte beaucoup de challenge et d’émulation. A la fin ce sont les populations qui en sortiront gagnant.

On dit nos sociétés africaines machistes. Comment faites-vous donc en tant que femme, pour réussir dans vos entreprises qui, rappelons-le, interviennent plus en milieu rural ?

Sociétés machistes c’est vous qui le dites, moi je n’ai jamais eu le sentiment que je recule ou j’avance parce que je suis une femme. J’ai juste des idées que j’essaye de partager avec les personnes autour de moi, par exemple pour la semaine de la jeunesse j’ai été soutenu par le Maire de l’arrondissement de Ndom et le conseiller municipal de Logmay qui m’ont apporté un soutien énorme, car il fallait héberger, nourrir et transporter tous ces artistes. Et cela m’a permis de passer mon message aux jeunes et aux femmes. Il ne faut pas l’oublier le but de cet action était de redonner aux jeunes ici le gout et la joie de faire des contes et les danses traditionnelles de chez nous qui sombrent dans les profondeurs de l’oubli.

Au sein de votre mouvement, avez-vous pensé à engager des réflexions autour de la condition féminine en milieu rural ? Puisque vous-vous intéressez principalement à la jeunesse, quelle place accordez-vous à la jeune femme ?

Je peux dire que dans mon action je place la femme au centre de tout ; car si la femme est bien encadrée c’est toute la société qui en profite. La femme rurale travaille beaucoup pour très peu de rendement.  Elle a besoin de moderniser son agriculture. Elle a des problèmes de salubrité et autres. L’année passe j’ai mené beaucoup d’action dans ce sens. Et la semaine prochaine je participerai à un concert à Douala pour sensibiliser les femmes sur plusieurs aspects de la vie sociale.

Vous êtes originaire de Log May, que pouvez-vous nous dire des femmes de cette contrée ? Quel rôle joue-t-elle dans la société la bas ?

Les femmes Logmay sont belles, elles ont la joie de vivre et surtout elles sont travailleuses et très dynamiques car elles reconnaissent le travail comme une très grande valeur. Depuis quelques années elles ont crée des GIC pour lutter contre la pauvreté. Grace à elles Logmay est devenue la mamelle nourricière de Ndom.

Quelle image vous faites-vous de la femme d’hier et celle d’aujourd‘hui ?

J’ai beaucoup de respect pour la femme d’hier ; c’est celle la qui gardait l’équilibre de notre société, elle se soumettait, elle ne divorçait jamais. Elle était respectée. Aujourd’hui avec la rencontre de plusieurs cultures je crois qu’elle est se sent perdu, elle travaille et elle a parfois des moyens, elle sait se battre mais elle a du mal à garder un foyer. C’est l’occasion pour moi ici de dire aux femmes que la modernité ne veux pas dire que nous devons importer des modèles d’ailleurs qui nous phagocytent et nous détruisent. L’égalité entre l’homme et la femme n’est pas un discours nouveau en Afrique. Ainsi disons-nous que chacun ici a sa fonction sociale qu’il doit accomplir et tout ira mieux.

En vous basant sur votre expérience de la société traditionnelle, diriez-vous que la femme basaa est concernée par les thématiques à l’origine de la journée internationale de la femme ?

C’est bien une journée internationale de la femme mais la femme africaine n’a pas peut-être pas les mêmes préoccupations que les autres. Je ne crois pas qu’elle soit concernée au vue de ce que je viens de dire, il s’agit pour elle de forger son modèle de vie qui lui vient de ses tripes, de son environnement, de son histoire pour qu’elle soit en harmonie avec son univers ; Comment en tant que femme Bassa elle doit penser, s’habiller, se coiffer, manger, cultiver son champ pour un bon rendement, éduquer ses enfants, garder son foyer, etc…  Il est temps de laisser ces chansons en boucle sur l’égalité qui n’ont fait que la perdre.

Ainsi d’après vous la femme basaa ne serait pas concernée par la violence conjugale, l’autonomie financière, la justice sur le marché de l’emploi, les droits civiques pour ne citer que ceux là ?

Pour répondre a cette question peut être faut il un retour historique. La femme africaine en dehors de tout contact avec la colonisation n’a jamais été considérée comme un être inferieur. Les femmes ont eu droit à leur propre pyramide. La femme mariée possédait une partie des biens du couple. Les africains tiraient une fierté certaine de leur ascendance maternelle. L’importance accordée à la lignée maternelle était courante chez les africains noirs de l’Antiquité. Les femmes pouvaient intervenir librement au cours d’un procès, en tant que plaignante, accusée ou témoin. Elles ont toujours fait le commerce et les affaires. Plusieurs femme en Afrique furent Vizir et Pharaons ; La femme pharaon Hatshepsout de la XVIIIe dynastie (certainement la plus importante des femmes pharaons) ; Néfertiti, à la XVIIIe dynastie, épouse d’Akhénaton etc… la femme africaine est légalement maîtresse de maison. La dame Péseshet, est la première femme médecin connue de l’ histoire de l’ humanité (IIIe millénaire). Elle a obtenu le titre de « Chef des femmes-médecins ». L’équilibre cosmique, la vérité et la justice sont symbolisés par une femme, la fille bien-aimée de Rê, Maât. Plus récent encore le rôle militaire des femmes amazones, les reines mères. Je m’arrête la mais ‘histoire continue. Beaucoup ne comprendront rien a ceci mais c’est notre histoire, l’histoire de la femme africaine, l’histoire de la femme Basa aussi. C’est pour dire que ce n’est pas un nouveau discours.

Yvette, vous portez vous-même, plusieurs casquettes : collaboratrice d’une multinationale, chanteuse et musicienne, promotrice de manifestations culturelles … Quoi d’autre ? Et comment parvenez-vous à trouver du temps pour tout cela, en plus de la vie familiale ?

Bonne question Lama moi-même je me la pose. Mais je remercie le bon Dieu qui me donne tant d’énergie pour tout ce travail. Et il faut dire tout simplement que le sens de l’organisation m’aide énormément. Je ne quitte jamais mon agenda. Mais parfois je suis obligée de faire plusieurs choses à la fois. Comme en ce moment je réponds a ton interview et en même temps je suis en train de rédiger un rapport professionnel en même temps aussi je suis en train de répondre a mes messages sur le net voila! Si vous donnez un certain rythme à votre corps il va s’adapter.

Si vous deviez adresser un message à la femme basaa d’aujourd’hui (celle du village, de la ville, et à l’extérieur du pays), que lui diriez-vous ?

Je lui dis d’être travailleuse, confiante, tolérante et dynamique . Qu’elle n’oublie jamais les recettes de Mbongo’o, Mintja, Disingi, Misanga’a, Bisa’ag etc.. Et surtout qu’elle garde nos traditions qui ont fait la fierté de notre peuple et de nos familles. Car c’est elle aussi qui les transmettra de génération en génération pour l’équilibre de notre peuple

Merci de partager avec nous, une sagesse basaa.

« Ngi yi nok lipôdôl a huna ndenge libind hikoa bayan mam ». il faut savoir écouter les conseils des ainés.

 


04/04/2011
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Design by Kulko et krek : kits graphiques