Yvette Bassega : Musiques du patrimoine

ENTRETIEN AVEC YVETTE BASSEGA. CULTURALLES

 

yvette20pictures200121.jpgQuand on va à sa rencontre, c'est un îlot de douceurs, de sincérité et de simplicité que l'on visite. Elle a du talent, elle a surtout des convictions. L'épi d'or de la chanson universitaire en 2003 vient de commettre un album qui reflète tout ce qu'elle est. C'est-à-dire, elle-même. Tout simplement. 

albumnet.jpgJacques Epangue : On te découvre pour la toute première fois avec deux vidéogrammes avant même la sortie  de ton album, la question qui est alors  sur toutes les lèvres est qui est Yvette Bassega ? 

Yvette Bassega : (soupir) ah tu sais jacques, il n'est jamais facile de parler de soi-même, mais, pour me résumé, je vais dire qu'Yvette Bassega est une artiste, pianiste, auteur-compositeur, interprète d'œuvres originales, qui s'investit dans la valorisation des richesses culturelles traditionnelles et millénaires de l'Afrique. Je suis partie des enseignements de piano, avec une dame française, ensuite avec Eko Roosevelt. J'ai fait beaucoup de cabarets dans la ville de Douala. J'ai ensuite intégré l'orchestre de l'université de Douala que j'ai dirigé, et, c'est avec cet orchestre que  je commence véritablement ma carrière. De festivals en festivals, de spectacles en spectacles, j'ai gagné une riche expérience, et glané de nombreuses distinctions. En 1999, j'ai été meilleur instrumentiste, puis épis d'or de la chanson universitaire. J'ai ensuite décidé en 2007 de mettre sur pied un album à travers lequel tout le monde peut découvrir mon travail. 

Jacques Epangue : un parcours riche dû à ton talent et à la particularité de ta démarche, mais aussi, une musique dont la particularité est qu'elle puise véritablement dans tes racines, le pays Bassa.  Yvette Bassega : c'est un défi, c'est mon défi, montrer aux yeux du monde cette richesse culturelle qui est la notre, mais que nous banalisons. Je viens effectivement du pays Bassa, plus précisément de
la Sanaga maritime où l'on peut dénombrer près de 48 rythmes, mais seul l'Assiko est connu du grand public, voilà pourquoi j'ai voulu privilégier le « makunè », le « mahongo » et le « ko'o » qui font aussi parti du patrimoine de ma région. 
 Jacques Epangue : à partir de cette démarche, quelle identité donnes-tu à ta musique ? 

Yvette Bassega : ma musique est le reflet de ma culture, et mon identité musicale c'est mon identité culturelle. Tout simplement. Tout en affirmant mon identité, j'explore celles des autres musiques, Jazz, Blues et Soul entre autres. Je m'ouvre parce que la musique est universelle, elle l'est plus encore aujourd'hui qu'hier, voilà pourquoi on ne peut pas s'enfermer dans sa propre culture et refuser celle des autres. Mais il faut rester soi-même Jacques Epangue : ton style éclectique, on le dit forgé grâce au temps que tu as passé avec un autre pianiste, auteur compositeur, interprète d'œuvres à succès, Eko Roosevelt. Yvette Bassega : oh ma rencontre avec  monsieur Eko, « Tara » comme on l'appelle familièrement, fut une expérience capitale et déterminante pour ma carrière. Il est arrivé à l'université de Douala pour animer des ateliers au sein du D.U.M*, et pendant le temps que l'on a passé ensemble, j'ai nettement amélioré mes connaissances en musique. Une chance inouïe vraiment ! 

Jacques Epangue : en plus d'être éclectique, ton style est simple, dénué de toute extravagance, et lorsqu'on te rencontre, on a l'impression que c'est ta personnalité que tu as communiqué à cet album. Yvette Bassega : je ne fais pas de l'extravagance et je ne recherche pas à m'affirmer de cette façon, dans mon métier, et encore moins dans ma vie. J'ai été élevée dans le strict respect des valeurs traditionnelles africaines. C'est ce qui circule dans mes veines 

Jacques Epangue : tu pousse la simplicité jusqu'au choix de tes musiciens ? Yvette Bassega : mes musiciens sont des gens très simples, mais ce sont de grands musiciens et ils sont plus ou moins éclectiques. Calvin Yug guitariste et percussionniste, qui a signé les arrangements de mon album, c'est quelqu'un qui a longtemps travaillé du jazz et aussi aux côtés de Muntu Valdo. Serge Epoh, percussionniste, conteur, chanteur. A la guitare basse, Joly Mandengue, et les autres. Tous de grands musiciens, qui n'ont rien a envié  aux autres, même pas leur célébrité. Ils maîtrisent la connaissance musicale et ça c'est l'essentiel. Il n y a qu'à écouter l'album « Couleur Café », le travail de l'Equipe du Sud est remarquable. 

Jacques Epangue : parlant justement de l'album, peux-tu nous le présenter ? Yvette Bassega : « Couleur Café », c'est la couleur africaine, 13 titres qui mettent en exergue les rythmes makunè,  le mahongo, l'essewe et le ko'o.  Je pense également que la musique  est un élément d'ouverture. J'ai exploré le Jazz, le blues et la musique soul. J'ai invité sur cet album Eko Roosevelt, et travaillé avec des musiciens ouverts à toutes les influences. Le résultat c'est « Couleur Café ». En somme « Couleur café » sort des profondeurs de la forêt équatoriale. 

Jacques Epangue : on a envie de te demander ta vision à toi de la musique camerounaise, considérant tout ce qui a été dit jusqu'ici sur cette musique. On dit qu'elle est dépréciée, les productions actuelles n'étant pas suffisamment pas porteuses des valeurs culturelles locales. Au point où des artistes comme toi sont considérés comme complètement décalés ou exceptionnels. Yvette Bassega : il faut aller trouver la cause de cette perception des choses très loin, la colonisation a joué un rôle négatif sur la culture africaine en général, aujourd'hui c'est avec les yeux de l'occident que nos jeunes regardent  leur propre culture. C'est une mentalité forgée à partir de l'école, c'est école d'Afrique qui pourtant européanise ses enfants, où aucun intérêt n'est porté sur nos langues et nos valeurs propres. Nous considérons nos propres valeurs comme négatif. Il se développe un sentiment de rejet vis-à-vis de ce qui se produit sur place. On en arrive à l'échec total, non pas seulement dans la musique, mais cela se voit partout. Je ne suis pas obligé de joué du rock'n roll ou du rn'b pour m'affirmer. Aujourd'hui, on dit que la mondialisation c'est le rendez-vous du donner et du recevoir. Je suis important quand je donne et quand je reçois, mais si je reçois seulement, sans donner, je vais mourir, je vais même participer au déséquilibre du monde car c'est Dieu qui a crée les différences, ce sont ces différences qui font la diversité et c'est dans la diversité que réside l'harmonie du monde. Il faut que en tant qu'africains nous l'acceptions enfin et que nous demeurions fiers de nos valeurs. 

Jacques Epangue : en tant qu'artiste qui affirme cette identité dans une société qui ne l'intègre pas, n'as-tu pas peur du rejet ? Yvette Bassega : non je n'ai pas peur du rejet, parce que non seulement je puise dans mes racines, mais je recherche la symbiose musicale entre mes racines africaines et les influences d'ailleurs. Bien plus, j'ai utilisé les principes universels de la musiques c'est–a-dire d'harmonie, de mélodie et de rythme. Tout bon africain peut se reconnaître là dedans, mais surtout tout bon mélomane. 

Jacques Epangue : conscients de l'attrait que les productions occidentales exercent sur les africains en général, et les camerounais en particulier certains artistes choisissent de s'exiler sur la terre occidentale pour quérir le succès là-bas. Dès lors il devient facile de conquérir le marché africain, est-ce ton avis ? Yvette Bassega : c'est à cause de la mentalité des camerounais ! Et cela concerne également les médias. Tiens un jour je dis à un journaliste, je sors d'une tournée en Afrique du Sud, surpris il s'écrie, « ah bon tu viens de l'Afrique du Sud! ». Nous avons ce complexe de ce qui vient de l'étranger, c'est cette mentalité que nous décrions. Et c'est dommage parce que quand je regarde notre univers culturel, sur le plan économique, et même sur le plan politique, j'observe que nous avons des richesses importantes. Jetez un regard sur le passé de l'Afrique, nous avions des systèmes politiques, économiques et culturels riches, il est donc important pour nous de faire ce voyage dans le passé, ce retour aux sources et cherché dans nos valeurs traditionnelles ce qui est bon. Mais je n'envisage pas partir, je ne suis pas une partante, quand je part je reviens toujours au bercail, je pense en effet qu'on a encore beaucoup à faire dans ce pays, tout est à refaire dans notre pays, je ne penses pas que la meilleure solution c'est partir. 

Jacques Epangue : et puis tu sembles à l'abris du besoin, tu m'accueille aujourd'hui dans l'entreprise pour laquelle tu travailles, un groupe international à la réputation bien établie, donc évidemment pourquoi partir ? Yvette Bassega : (rires) oui je gère mes deux business sans problème, c'est une question d'organisation, d'énergie et de passion. Je remercie le bon Dieu qui m'a donné cette énergie là.  Jacques Epangue : après un passage au Gabon et en Afrique du Sud, tu te lances bientôt dans une tournée au Cameroun, quelles sont les dates et les étapes ?  Yvette Bassega : C'est une tournée nationale organisée avec les centres culturels français et alliances franco-camerounaise, une tournée qui se justifie par le fait que l'album « Couleur Café » est là. Nous avons le devoir de faire decouvrir notre richesse culturelle. Nous passeront par la majeure partie des chefs-lieux de provinces, le 17 octobre nous serons à Buéa, le 1er décembre à Yaoundé, le 26 Janvier à Dschang, et nous sommes en pourparlers avec le centre culturel de Douala et l'alliance franco-camerounaise de Garoua



04/09/2008
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